UN POÈTE CHEZ LES ÉLEVEURS DE PICKUPS
Savons-nous où nous habitons vraiment ? La simple expression « regarder dehors » a-t-elle encore un sens en ces temps étriqués ? La voracité extractiviste est sans frein. Devant le peu d’échos que ça suscite en ce presque-pays, l’auteur se risque à tirer quelques fils — blancs ou barbelés, c’est selon — des cagoules idéologiques sous lesquelles nous nous croyons en sécurité.
Extraits :
Le moindre espace est un royaume. Vient l’heure de coucher les rois, les tsars, les présidents et autres super-ministres de la désolation et des ruines. L’empereur ne peut rien contre la terre et la course des heures. Comme aux siècles de la Chine ancienne, chaque catastrophe dite naturelle annonce la fin d’un empire. Tout tombe si on sait voir vraiment. Pas la peine de faire semblant de ne pas avoir peur en rinçant le moteur à chaque feu rouge.
J’ai vu au supermarché un bébé de trois jours tout fripé encore d’être né. Cet enfant ne saura pas que, devant une borne de paiement automatisée, un obscur poète lui a souhaité de connaître sur ses lèvres le goût de la terre inviolée. Puisse l’immensité être son territoire de vie et la forêt sa langue maternelle.